TUNISIE ASSASSINAT : Relance de l’affaire Barakat dix-sept ans apres son supplice

Publié le par Khaled BEN M’BAREK

Il y a 17 ans jour pour jour, le 8 octobre 1991, vers midi, une voiture banalisée s'arrête en trombe devant le poste de la Garde nationale de Nabeul, à la sortie de la ville en direction de Tunis. Des agents en civil en descendent, traînant un jeune homme en slip, le visage ensanglanté. Dans le bureau d'accueil, des agents s'alertent les uns les autres en hurlant, dans une mise en scène bien élaborée. Ils se ruent sur le jeune homme recroquevillé par terre, toujours menotté, protégeant instinctivement son visage et tremblant de froid et d'effroi. Après une bastonnade en règle, Faïsal est introduit au bureau du chef de la Brigade de Recherches – al abhath wattaftich -, le capitaine Abdelfattah LADIB. Une huitaine d'agents se relaieront sur lui durant toute l'après-midi. Jusqu’à ce que mort s’ensuive.
La reconstitution du crime aboutit au scénario suivant avec une probabilité d'erreur proche de zéro: au bout de quelques heures d'agressions physiques systématiques, l'un des agents - une enquête sérieuse devra déterminer son  identité - a introduit un long objet pointu dans l'anus de la victime sur une profondeur d'au moins quinze centimètres, parcourant le rectum et perforant mortellement l'intestin.
Le Comité contre la Torture (CAT), au bout de cinq années et demi de procédure*, a reproché à Tunis ses manquements à la Convention contre la Torture, dans cette affaire. Il a épinglé le système, du procureur de Grombalia au ministre de la justice. Il a demandé au gouvernement tunisien de procéder à l'exhumation du squelette - sous le contrôle des médecins qui ont déjà étudié le cas - en vue de départager les deux thèses : soit il s'agit d'un accident de la route et on trouvera des os fracturés, les os se conservant plusieurs centaines d'années; soit il s'agit d'une agression délibérée et les os s'avéreront intacts.
Si jamais la vérité venait à être admise par quelque gouvernement tunisien, la victime réhabilitée et sa famille équitablement indemnisée, ce sera - on ne le rappellera jamais assez - grâce à l’action et à la ténacité d’Amnesty
International et du Département Maghreb/Moyen-Orient en particulier. Sans l’engagement et le professionnalisme de la prestigieuse organisation, Faïsal Barakat aurait sombré dans l’oubli.
En 2002, une lettre a été envoyée par la Coalition des ONG internationales contre la torture (CINAT : Amnesty International, OMCT, APT, REDRESS et FI-ACAT) au président du Comité, le canadien Burns, lui demandant d'agir en vue d'amener le gouvernement de Tunis à coopérer avec le Comité. L'on croit savoir que ce dernier a convoqué un représentant du gouvernement tunisien pour une entrevue apparemment restée vaine.

Le gouvernement joue l’obstruction systématique face au Comité contre la Torture, qui n'a jamais déclaré l'affaire close. C’est pourquoi l’affaire est en voie d’être relancée auprès des tribunaux tunisiens. Ce n’est pas que l’on accorde le moindre crédit à cette justice, mais juste le moyen de démontrer par la preuve immédiate, à l’attention d’organismes intergouvernementaux, que c’est bien le gouvernement de Tunis en tant que tel qui fait obstruction à une vérité facile à établir, mais dépendant de sa seule volonté.
Cela dit, il revient à la société civile tunisienne , d’appuyer le combat de la famille martyrisée en vue d’établir – officiellement et sans le moindre doute possible – une vérité devenue secret de polichinelle. Dans ce rude combat qui
s’annonce, les BARAKAT auront besoin de la présence de tous, hormis les mezrifiés, recrues tardives d’un pouvoir calcifié et faux témoins, orfèvres dans l’art de baiser la main monstrueuse qu’ils ont si longtemps mordue.
Aussi, nous appelons l’ALTT, la LTDH, Liberté-Equité, l’AISPP, RAID, Amnesty Tunisie, ainsi que les partis politiques de toutes tendances, à manifester leur soutien effectif à la famille. Des actions exigeant du gouvernement de Tunis qu’il se conforme aux décisions du Comité contre la torture seront très utiles pour accélérer ce processus inexorable vers la vérité. Nous voudrions espérer que les ONG et les médias tunisiens et internationaux se joindront à ce mouvement en vue de permettre enfin à la famille de vivre un deuil qui n’a jamais eu lieu et n’aura lieu que si la vérité est définitivement mise au jour et reconnue.

Khaled BEN M’BAREK, Coordinateur
Auteur des Communications CAT 14/1994 & CAT 60/1996


* Les liens suivants portent les textes du Comité contre la Torture sur l'affaire Barakat :

http://www.unhchr.ch/tbs/doc.nsf/23a89bf90e53e6ccc125656300593189/46b5caf9f05f83f9802567a6004cfd23?OpenDocument&Highlight=0,barakat


http://www.unhchr.ch/tbs/doc.nsf/23a89bf90e53e6ccc125656300593189/3a3747c41a942b8e802568b8005058fb?OpenDocument&Highlight=0,60%2F1996

Publié dans ESPACE INFO

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